La Fraternité des Polaires avait vu le jour à Paris au milieu des années 1920, inspirée des récits d’Agartha rapportés par l’explorateur polonais Ferdinand Ossendowski (1876 – 1945). C’est probablement par la voie martiniste qu’Ossendowski a appris la légende d’Agartha. Ossendowski a écrit un livre en 1922 intitulé Bêtes, Hommes et Dieux, dans lequel il raconte une histoire qui, selon lui, lui a été communiquée d’un royaume souterrain qui existe à l’intérieur de la terre. Ce royaume était connu des bouddhistes sous le nom d’Agharti, qui est associé à Shambhala. Dans Ossendowski and the Truth (1925), l’explorateur suédois du Tibet, Sven Hedin, a rejeté les affirmations d’Ossendowski selon lesquelles il aurait entendu parler de l’Agharti par des lamas mongols. Edin soupçonnait Ossendowski d’avoir tiré le mythe de l’Agharti de Saint-Yves d’Alveydre et l’avait adapté à son histoire afin de plaire à un public de lecteurs allemands familiarisés avec l’occultisme ¹.

Ossendowski a été informé des pouvoirs miraculeux des moines tibétains – et du Dalaï Lama en particulier – des pouvoirs, dit-il, que les étrangers peuvent à peine comprendre, et il a poursuivi : « Mais il existe aussi un homme encore plus puissant et plus saint… Le roi du monde en Agharti » ². On a aussi parlé à Ossendowski :

Le royaume s’appelle Agharti. Il s’étend à travers tous les passages souterrains du monde entier…. Ces peuples et ces espaces souterrains sont gouvernés par des souverains qui font allégeance au « Roi du Monde »… Vous savez que dans les deux plus grands océans de l’Est et de l’Ouest, il y avait autrefois deux continents. Ils ont disparu sous les eaux mais leurs peuples sont entrés dans le royaume souterrain. Dans les grottes souterraines, il existe une lumière particulière qui permet la croissance des céréales et des légumes et une longue vie sans maladie pour les gens ³.

Le Roi du Monde d’Ossendowski est donc apparenté à Sanat Kumara de Blavatsky, qu’elle identifie à Lucifer et aux Anges déchus. Sanat Kumara a pris une plus grande importance lorsque son disciple Charles W. Leadbeater a écrit que Sanat Kumara était le « Roi » ou Seigneur du Monde, et le chef de la Great White Brotherhood of Mahatmas qui avait révélé les principes de la Théosophie. Leadbeater et plus tard des théosophes comme Alice A. Bailey ont cru que Sanat Kumara était venu sur Terre il y a 18 500 000 ans du plan éthérique de la planète Vénus, accompagné de 30 « Seigneurs de la Flamme ». Sanat Kumara est considéré comme le grand gourou, sauveur de la Terre. C’est un « être avancé » de la Neuvième Initiation (la plus haute Initiation possible sur la planète Terre) qui est considéré comme le Seigneur ou le Régent de la Terre et de l’humanité, et le chef de la Hiérarchie spirituelle de la Terre qui habite Shambhala, une ville dite flottante dans le plan éthérique au-dessus du désert de Gobi. Il est assimilé à Skanda/Kartikeya de l’hindouisme, Brahma-Sanam Kumar du bouddhisme et Ahura Mazda du zoroastrisme. Une autre appellation courante de Sanat Kumara est « l’Ancien des Jours ». On considère également que Sanat Kumara est al Khidr.

Si le mythe de l’Agartha n’a pas de véritables racines asiatiques, il a néanmoins influencé Guénon dans son ouvrage très lu Le Roi du Monde, publié en 1927 et traduit dans de nombreuses langues, dans lequel il soutenait les revendications d’Ossendowski. Guénon a écrit sur une grande culture hyperboréenne qui s’est épanouie autour du cercle arctique et de ses avant-postes Shambhala à l’Est et Atlantis à l’Ouest. Le royaume synarchiste souterrain d’Agartha et son souverain caché ont été les sujets du livre de Guénon, le souverain du monde. Selon Guénon, Agartha représente « un centre spirituel existant dans le monde terrestre », abritant « une organisation chargée de préserver intégralement le dépôt de la tradition sacrée qui est d’origine « non humaine »… et par laquelle la sagesse primordiale se communique à travers les âges à ceux qui sont capables de la recevoir ». ⁴ Selon Guénon, le Seigneur du Monde est le même que le mystérieux personnage connu sous le nom de « Melchizédek » ⁵. Le même personnage est vénéré parmi les soufis comme un grand maître mystique connu sous le nom d’al Khidr, ou « le Vert ». Les Frères Asiatiques étaient également connus sous le nom de Loges de Melchizedek.

De la croix gammée, Guénon affirmait que « …ce centre constitue le point fixe connu symboliquement par toutes les traditions comme le « pôle » ou l’axe autour duquel le monde tourne. Cette combinaison est normalement représentée par une roue dans les traditions celtiques, chaldéennes et hindoues ». Telle est, selon Guénon, la véritable signification de la svastika, vue dans le monde entier, de l’Extrême-Orient à l’Extrême-Occident, qui est intrinsèquement le « signe du Pole » ⁶, censé vaincre et remplacer la croix, tout comme le néo-paganisme vaincra et remplacera le christianisme.

David LIVINGSTONE