II.14.v Haskalah – La Société du Mercredi

David Livingstone écrit sur les dessous de l’histoire depuis 30 ans et nous a accordé le droit de traduire plus de 170 de ses articles, soit le tiers de son incroyable Ordo ab Chao.

Nicolai a été l’un des fondateurs de la Mittwochsgesellschaft (Société du Mercredi), connue en interne par les membres sous le nom de Gesellschaft der Freunde der Aufklärung (Société des Amis des Lumières). La Société du mercredi, qui était un who’s who de l’Aufklärer (Siècle des Lumières) de Berlin, était l’une des nombreuses sociétés de lecture créées par d’anciens membres des Illuminati, sur ordre d’Adam Weishaupt :

La grande force de notre Ordre réside dans sa dissimulation : qu’il n’apparaisse jamais en aucun endroit sous son propre nom, mais qu’il soit toujours couvert par un autre nom, et une autre occupation… A côté [des trois premiers degrés de Maçonnerie], la forme d’une société savante ou littéraire est la mieux adaptée à notre objectif, et si la Maçonnerie Libre n’avait pas existé, cette couverture aurait été employée ; et elle peut être bien plus qu’une couverture, elle peut être un moteur puissant entre nos mains. En créant des sociétés de lecture et des bibliothèques d’abonnement, en les prenant sous notre direction et en les fournissant par notre travail, nous pouvons orienter l’esprit du public dans le sens que nous voulons 1.

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Christian Wilhelm von Dohm (1751 – 1820)

L’historien allemand Christian Wilhelm von Dohm (1751 – 1820), ardent défenseur de l’émancipation des Juifs, fut un membre éminent de la Société du Mercredi 2. Mendelssohn incita Dohm à publier en 1781 son ouvrage, On the Civil Amelioration of the Condition of the Jews, qui joua un rôle important dans la montée de la tolérance. Mendelssohn lui-même publia une traduction allemande du Vindiciae Judaeorum de Menasseh Ben Israël. L’intérêt suscité par ces publications a conduit Mendelssohn à publier sa plus importante contribution aux problèmes liés à la position du judaïsme dans un monde païen, intitulée Jerusalem, or on Religious Power and Judaism, publiée pour la première fois en 1783, qui peut être considérée comme sa plus importante contribution à la Haskalah. L’idée de base de Jerusalem est que l’État n’a pas le droit d’interférer avec la religion de ses citoyens, y compris les Juifs. La première des deux parties du livre traite du « pouvoir religieux » et de la liberté de conscience dans le contexte des philosophies de Spinoza, Locke et Hobbes, tandis que la deuxième partie aborde la conception de Mendelssohn du nouveau rôle laïque de toute religion au sein d’un État éclairé. Comme pour Spinoza, Jérusalem maintient le caractère obligatoire de la loi juive, bien qu’elle n’accorde pas au rabbinat le droit de punir les Juifs qui s’en écartent. Selon Mendelssohn, le test de la religion est son effet sur la conduite. C’est la morale de la parabole des trois anneaux du Nathan le Sage de Lessing, qui, selon Frederick Beiser, « n’est en fait guère plus qu’une présentation dramatique de la doctrine philosophique du Tractatus de Spinoza. » 3 Kant, qui a décrit Jerusalem comme « un livre irréfutable », l’a qualifiée de « proclamation d’une grande réforme, qui sera cependant lente à se manifester et à progresser, et qui affectera non seulement votre peuple mais aussi d’autres personnes » 4. Selon l’écrivain juif allemand Heinrich Heine (1797 – 1856) : « comme Luther avait renversé la papauté, Mendelssohn renversa le Talmud ; et il le fit de la même façon, à savoir en rejetant la tradition, en déclarant la Bible source de la religion, et en en traduisant la partie la plus importante. Par ces moyens, il a brisé le catholicisme juif, comme Luther avait brisé le catholicisme chrétien ; car le Talmud est, en fait, le catholicisme des Juifs » 5.

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David Friedländer (1750 – 1834)

Mendelssohn était également associé au banquier juif allemand David Friedländer (1750 – 1834), qui entretenait des contacts étroits avec Moïse Mendelssohn et le cercle de la Haskalah, qui partageait ses ambitions émancipatrices. Friedländer occupait une place importante dans les cercles juifs et non-juifs de Berlin. Entre 1779 et 1781, Ephraim Joseph Hirschfeld, des Frères Asiatiques, travaille à Berlin comme comptable et tuteur de Friedländer. Friedländer a cherché à obtenir l’émancipation des Juifs de Berlin et diverses réformes. Lorsque Frédéric Guillaume II, lors de son adhésion en 1786, convoqua un comité pour l’informer des griefs des Juifs, Friedländer fut choisi parmi les délégués généraux. Les Juifs refusèrent cependant les réformes proposées, et ce n’est qu’après la Révolution française, avec l’édit de 1812, que les Juifs du territoire prussien réussirent à obtenir de Frédéric Guillaume III (1770 – 1840) l’égalité des droits.

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Frederick William II (1744-1797)

Frédéric Guillaume II appartenait également à la Gold- und Rosenkreuz et tomba sous l’influence de deux autres membres, qui appartenaient également aux Frères asiatiques, Johann Christoph von Wöllner et Johann Rudolf von Bischoffwerder. Bien qu’il n’ait pas de nom, Wöllner, pasteur prussien enclin au mysticisme, devient effectivement premier ministre. En 1788, Wöllner est nommé conseiller privé actif de l’État et de la justice et chef du département spirituel pour les affaires luthériennes et catholiques. À partir de ce poste, il poursuit des réformes religieuses de longue durée dans l’État prussien.

Friedländer s’occupait également de faciliter son entrée et celle des autres juifs dans les milieux chrétiens. En 1799, il fit une proposition radicale à un important prévôt protestant de Berlin, Wilhelm Teller, membre de la Mittwochsgesellschaft i 6. La lettre ouverte de Friedländer « au nom de quelques chefs de famille juifs » déclarait que les Juifs seraient prêts à subir un « baptême sec », à se convertir au christianisme protestant fondé sur des valeurs morales communes, s’ils n’étaient pas tenus de croire en la divinité de Jésus et d’éviter certains rites chrétiens. Une grande partie de la lettre ouverte soutenait que les rituels mosaïques étaient largement obsolètes, et « envisageait l’établissement d’une Église-synagogue unitaire confédérée » 7.

David LIVINGSTONE

 

1 – Terry Melanson. Perfectibilists: The 18th Century Bavarian Order of the Illuminati (Kindle Locations 1405-1409). Trine Day. Kindle Edition.

2 – Terry Melanson. Perfectibilists: The 18th Century Bavarian Order of the Illuminati (Kindle Locations 1450-1451). Trine Day. Kindle Edition.

3 – Frederick. C. Beiser. The Fate of Reason: German Philosophy from Kant to Fichte (Cambridge, Mass: Harvard University Press, 1987), p. 56; Cited in Magee. Hegel and the Hermetic Tradition, p. 77, n. 155.

4 – Abrahams, Israel (1911). “Mendelssohn, Moses.” In Chisholm, Hugh (ed.). Encyclopædia Britannica. 18 (11th ed.). Cambridge University Press. p. 121.

5 – Heinrich Heine. Religion and Philosophy in Germany, A fragment (Beacon Press, 1959), p. 94.

6 – Terry Melanson. Perfectibilists: The 18th Century Bavarian Order of the Illuminati (Kindle Location 1465). Trine Day. Kindle Edition.

7 – Amos Elon. The Pity of It All: A History of the Jews in Germany, 1743-1933 (Metropolitan Books, 2002), pp. 73-75

 

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