IV.19.i Prieuré de Sion – Ludibrium

David Livingstone écrit sur les dessous de l’histoire depuis 30 ans et nous a accordé le droit de traduire plus de 170 de ses articles, soit le tiers de son incroyable Ordo ab Chao.

Marcel Lefebvre, le fondateur du traditionalisme catholique, a été lié au Prieuré de Sion, et son allié, Mgr François Ducaud-Bourget (1897 – 1984), qui a été fait aumônier des Chevaliers de Malte en 1946 et prélat honoraire au temps du Pape Pie XII 1, en a été le dernier Grand Maître présumé 2. Le mythique Prieuré de Sion a été créé par Pierre Plantard comme cadre synarchiste pour sa prétention d’être le Grand Monarque prophétisé par Notradamus, qui devait diriger une Europe unie, comme un Empire uni de la fin des temps. Comme le prétendu Grand Maître Jean Cocteau du Prieuré de Sion, Plantard était associé à l’Action Française, le mouvement et la revue de droite nationaliste, antisémite et catholique, dont l’objectif était de restaurer un État aristocratique en France avec les Ducs d’Orléans à sa tête 3.

51rtrobx-l._sl250_-1Comme l’a fait remarquer le co-fabricant de Plantard Gérard de Sède, un auteur français associé au mouvement surréaliste autour d’André Breton, dans Le Trésor Maudit, citant Breton, « l’imaginaire est quelque chose qui tend à devenir vrai » 4. Après être devenu une cause célèbre de la fin des années 1960 aux années 1980, le mythique Prieuré de Sion a été exposé comme un ludibrium. Ludibrium, un mot dérivé du latin ludus signifiant un jouet ou un jeu trivial. Frances Yates a noté que le terme « ludibrium » était fréquemment utilisé par Johann Valentin Andreae, notamment dans les Noces Chimiques de Christian Rosenkreutz, pour suggérer que l’Ordre Rose-Croix était fictif, une comédie ou une « blague« . D’après Yates, « bien que les auteurs des manifestes n’aient pas voulu que l’histoire de Christian Rosencreutz soit considérée comme littéralement vraie, elle aurait pu l’être dans un autre sens, être une comédie divine ou une présentation allégorique d’un mouvement religieux et philosophique complexe ayant une incidence directe sur l’époque » 5, selon Robert Anton Wilson :

Le Prieuré de Sion me fascine, car il a toutes les apparences d’une véritable conspiration, et pourtant si vous regardez les éléments d’une autre manière, il ressemble à une blague très compliquée d’une bande d’aristocrates intellectuels français. Et la moitié du temps, je crois que c’est vraiment une blague d’un groupe d’aristocrates intellectuels français. Et puis une partie du temps, je pense que c’est une véritable conspiration 6.

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Pierre Plantard (1920 – 2000), inventeur du canular du Prieuré de Sion et fondateur d’Alfa Galates

En 1937, Paul Le Cour va inspirer le canular du Prieuré de Sion de Plantard par son engagement dans le Hiéron du Val d’Or, mouvement catholique synarchiste qui milite pour le retour d’un prêtre-roi à la tête de la France 7. L’alchimiste Eugène Canseliet, également membre de la Fraternité des Polaires, est également impliqué dans l’association Atlantis de Le Cour. Selon Le Cour, Canseliet n’était autre que Fulcanelli, dont le livre le plus connu est Le Mystère des Cathédrales, qui vise à déchiffrer la symbolique alchimique de plusieurs constructions templières, comme la cathédrale Notre-Dame de Paris, la cathédrale d’Amiens, l’hôtel Lallemant à Bourges, l’obélisque de Villeneuve-le-Comte 8.

Grâce au soutien du Ducaud-Bourget, Pierre Plantard, qui était un leader étudiant assez efficace, a réussi à devenir le responsable paroissial du Groupement Catholique de la Jeunesse. À peu près à la même époque, Plantard se lie d’amitié avec deux acteurs de radio bien connus, Jacques Thereau et Suzanne Libre, ainsi qu’avec Jules-Joseph-Alfred Tillier (1896 – 1980), employé respecté de la Compagnie des Forges et Acièries de la Marine d’Homécourt et ami de Paul Le Cour (1861 – 1954). Avec Plantard, Le Cour a également participé aux messes organisées par le père Ducaud-Bourget pour un cercle d’intellectuels de droite, dont le philosophe Louis Le Fur (1870 – 1943) et le comte orientaliste Maurice de Moncharville (1860 – 1943) 9.

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Monseigneur François Ducaud-Bourget (1897 – 1984)
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Astrologue Paul Le Cour, fondateur de l’Atlantis, successeur du Hiéron du Val d’Or.

Plantard, Le Cour, Tillier et Savoire étudiaient tous la branche française de l’Ancient Mystical Order Rosae Crucis (AMORC)de Harvey Spencer Lewis, et étaient en contact avec Jeanne Guesdon (1884 – 1955), la principale représentante de l’AMORC en France. Bien que Plantard lui-même n’ait jamais été membre de l’AMORC, il s’est ensuite lié d’amitié avec Raymond Bernard, qui deviendra la principale figure de l’AMORC en France dans les années 1970 avant de quitter l’organisation Rose-Croix 10. Tous les prétendus Grands Maîtres du Prieuré de Sion, sauf deux, figurent également sur des listes de prétendus « Imperators » et « membres distingués » de l’AMORC.

En 1937, Plantard abandonne le lycée et fonde avec certains de ses amis l’Union Française, un groupe inspiré par les idées de Deloncle 11. Les efforts de Plantard aboutissent à la formation du groupe Alpha Galates, un ordre pseudo chevaleresque dont on sait qu’il existait déjà en 1934. Membre important des Alpha Galates, Georges Monti a été initié à l’Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix (OKR+C) par Péladan, puis au martinisme par Papus. Monti était également lié à Léon Daudet, fils d’Alphonse Daudet, qui, avec Charles Maurras, était le chef de l’Action Française 12. Parmi les nombreuses sociétés auxquelles Monti s’est joint, il y a eu le Saint Vehm, la renaissance allemande de l’ordre du même nom 13. Monti a ensuite été initié à l’Ordo Templi Orientis (OTO) par Aleister Crowley. Les deux hommes avaient des contacts similaires avec les supérieurs de plusieurs loges allemandes qui avaient participé à l’arrivée au pouvoir du régime nazi. Monti a travaillé comme espion pendant la Première Guerre Mondiale, puis pour les nazis, les services de renseignements britanniques ainsi que pour le second bureau du service de renseignements français 14.

Sous le régime collaborationniste de Vichy, le groupe derrière Plantard et Alpha Galates a cherché à exercer une influence sur le gouvernement. En 1940, Plantard écrit au Maréchal Petain, dénonçant une vaste conspiration judéo-maçonnique. Mais il ne reçut aucune attention, si ce n’est des inscriptions dans les fichiers de la police. En 1941, Plantard demande à créer une organisation appelée « Renouveau National Français » mais se voit refuser l’autorisation officielle. Enfin, en 1942, Plantard et ses supérieurs ont de nouveau cherché à se faire connaître du public, en utilisant désormais ouvertement le nom d’Alpha Galates et en faisant la promotion d’une publication appelée Vaincre.

David LIVINGSTONE

1 – H. J. A. Sire. The Knights of Malta, (Yale University Press, 1994), p. 277.

2 – Massimo Introvigne. “The Da Vinci Code FAQ, or Will the Real Priory of Sion Please Stand Up?” CESNUR; Pierre Jarnac, Les Mystères de Rennes-le-Château, Mélanges Sulfureux (CERT, 1994).

3 – Alexandre Adler. Sociétés secrètes : de Léonard de Vinci à Rennes-le-Château, (Paris: Bernard Grasset, 2007), p. 27-28; Stéphane Piolenc. “Pour un compromis… royaliste!” L’Action française 2000, no 2815, April 21 to May 4 2011, p. 13.

4 – Gerard de Sede. The Accursed Treasure of Rennes-le-Chateau. Trans., Bill Kersey (DEK Publishing, 2001)

5 – Yates. The Rosicrucian Enlightenment, p. 68.

6 – Robert Anton Wilson. “Mary Mary Quite Contrary.” Retrieved from http://www.rawilsonfans.com/articles/mary.htm

7 – Philip Coppens. “Raymond Abellio: a modern Cathar?” PhilipCoppens.com.

8 – Patrick Rivière. Fulcanelli: His True Identity Revealed (Red Pill Press, Ltd, 2006), p. 84.

9 – Massimo Introvigne. “Beyond The Da Vinci Code: History and Myth of the Priory of Sion.” CESNUR 2005 International Conference (June 2-5, 2005 – Palermo, Sicily).

10 – Massimo Introvigne. “Beyond The Da Vinci Code: History and Myth of the Priory of Sion.” CESNUR 2005 International Conference (June 2-5, 2005 – Palermo, Sicily).

11 – Massimo Introvigne. “Beyond The Da Vinci Code: History and Myth of the Priory of Sion.” CESNUR 2005 International Conference (June 2-5, 2005 – Palermo, Sicily).

12 – Alexandre Adler. Sociétés secrètes : de Léonard de Vinci à Rennes-le-Château, (Paris: Bernard Grasset, 2007), p. 27-28; Stéphane Piolenc. “Pour un compromis… royaliste!” L’Action française 2000, no 2815, April 21 to May 4 2011, p. 13.

13 – Lynn Picknett & Clive Prince. The Templar Revelation: Secret Guardians of the True Identity of Christ (New York: Touchstone, 1997), p. 237.

14 – Patton. Masters of Deception, p. 124.

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