David Livingstone écrit sur les dessous de l’histoire depuis 30 ans et nous a accordé le droit de traduire plus de 170 de ses articles, soit le tiers de son incroyable Ordo ab Chao.

Mersenne avait de nombreux contacts dans le monde scientifique, notamment le philosophe français René Descartes (1596 – 1650), et a été appelé « le centre du monde des sciences et des mathématiques pendant la première moitié des années 1600 » 1. Descartes et Mersenne, malgré ses condamnations de l’ordre, étaient largement réputés être des rosicruciens secrets 2. Mersenne, comme Descartes, a été éduqué au collège jésuite de La Flèche et aurait été influencé dans ses premières années par la vision jésuite 3. Descartes est entré au collège en 1607, où il a été initié aux mathématiques et à la physique, y compris aux travaux de Galilée 4. Descartes a été l’un des premiers et des plus illustres étudiants du collège, et a présenté l’école dans son Discours sur la Méthode par la phrase « J’étais dans l’une des écoles les plus célèbres d’Europe ». Le Collège continue de s’agrandir et, à la mort d’Henri IV, une vaste église est construite, dans laquelle sont inscrits les cœurs d’Henri IV de France et de son épouse la reine Marie de Médicis. Marie n’était pas une descendante masculine de Laurent le Magnifique mais de Laurent l’Ancien, une branche de la famille des Médicis parfois appelée la branche « cadet ».
Le biographe de Descartes, Adrien Baillet (1649 – 1706), rapporte que Descartes avait entendu parler des Rose-Croix en Allemagne durant l’hiver 1619-20, la nouvelle lui étant parvenue « à un moment où il était dans la plus grande perplexité quant à la voie qu’il devait suivre dans l’enquête de la vérité ». Descartes a immédiatement tenté de contacter les membres de la Fraternité. Bien qu’il n’y parvienne pas, la rumeur veut qu’il soit devenu l’un des membres de l’Ordre à son retour à Paris en 1623, l’année de la grande fureur rosicrucienne.
Dans Descartes: An Intellectual Biography, Stephen Gaukroger soutient que la recherche de Descartes d’une théorie générale de la « méthode » a été en partie influencée par le contact qu’il a eu avec les Rose-Croix pendant son séjour en Allemagne. En juin 1620, Descartes rencontre un certain Johann Faulhaber 5, qui dit avoir étudié la « table ressemblant à la cabale allemande » de Faulhaber 6, Leibniz trouve dans le carnet de Descartes la description d’un ouvrage intitulé The mathematical treasure trove of Polybius, citizen of the world, dont il explique le contenu : « L’œuvre est offerte de nouveau aux hommes cultivés du monde entier et en particulier aux frères distingués de la Rose Croix en Allemagne ». 7 Dans sa satire, Nouveaux memoires pour servir d l’histoire du cartesianisme, publiée à la fin du XVIIe siècle, Daniel Huet décrit Descartes comme l’exemple parfait d’un Rose-Croix. « J’ai renoncé au mariage », lui a-t-il fait dire, « j’ai mené une vie errante, j’ai cherché l’obscurité et l’isolement, j’ai abandonné l’étude de la géométrie et des autres sciences pour m’appliquer exclusivement à la philosophie, à la médecine, à la chimie, à la cabale et à d’autres sciences secrètes » 8.
William R. Shae a noté dans “Descartes and the Rosicrucian Enlightenment” que Descartes a suivi plusieurs des règles des Rose-Croix. Il suivait la première et la deuxième en offrant librement des conseils médicaux à ses amis 9, la troisième règle prescrivait de suivre la tenue vestimentaire de la communauté locale. Lorsqu’il entendit parler de la condamnation de Galilée en 1633, il écrivit à Mersenne qu’il avait décidé de ne pas publier son traité cosmologique Le Monde, suivant sa devise bene vixit, bene qui latuit (« pour vivre heureux, vivons cachés« ) 10. Bien que la troisième et la quatrième règle ne s’appliquaient pas, la cinquième exigeait qu’ils utilisent les initiales R.C. comme sceau, et la version latinisée de son nom était Renatus Cartesius. La sixième et dernière règle prescrivait le secret et Descartes écrivit dans un des premiers carnets de notes :
Les acteurs, à qui l’on a appris à ne pas laisser transparaître la gêne sur leur visage, mettent un masque. Je ferai de même. Jusqu’à présent, j’ai été spectateur dans ce théâtre qui est le monde, mais je suis maintenant sur le point de monter sur scène, et je m’avance masqué 11.
Au service du duc catholique Maximilien de Bavière depuis 1619, Descartes a assisté à la bataille de la Montagne Blanche près de Prague, en novembre 1620. De nombreuses années plus tard, en 1644, Descartes s’établit près de Leyde, principalement pour se rapprocher de la princesse Élisabeth du Palatinat, fille aînée de Frédéric et de sa veuve, Élisabeth Stuart, la « reine d’hiver » de Bohême, qui avait continué à vivre à La Haye avec sa famille. La princesse Élisabeth s’intéressait beaucoup aux écrits de Descartes, qui lui dédia sa principauté en 1644, la décrivant comme la fille du « roi de Bohême », accordant à son père le titre dont il avait finalement été privé 12.
David LIVINGSTONE
1 – Peter L. Bernstein. Against the Gods: The Remarkable Story of Risk (John Wiley & Sons, 1996). p. 59.
2 – Yates. Giordano Bruno and the Hermetic Tradition, p. 447
3 – Yates. Rosicrucian Enlightenemnt, p. 150.
4 – Leonard C. Bruno. Math and Mathematicians: The History of Math Discoveries Around the World (Baker, Lawrence W. Detroit, Mich.: U X L., 2003) p. 100.
5 – Yates. Rosicrucian Enlightenemnt, p. 152.
6 – Åkerman. Rose Cross over the Baltic, p. 221.
7 – William R. Shae. “Descartes and the Rosicrucian Enlightenment.” In Metaphysics and Philosophy of Science in the Seventeenth and Eighteenth Centuries: Essays in honour of Gerd Buchdahl, ed. R.S. Woolhouse (Dordrecht: Kluwer Academic Publishers, 1988), p. 84.
8 – M. G. de l’A (initials of Gilles de I’Aunay). Nouveaux memoires pour servir a l’histoire du cartesianisme (No place, 1692),42; cited in William R. Shae. “Descartes and the Rosicrucian Enlightenment.” In Metaphysics and Philosophy of Science in the Seventeenth and Eighteenth Centuries: Essays in honour of Gerd Buchdahl, ed. R.S. Woolhouse (Dordrecht: Kluwer Academic Publishers, 1988), p. 80-81.
9 – William R. Shae. “Descartes and the Rosicrucian Enlightenment.” In Metaphysics and Philosophy of Science in the Seventeenth and Eighteenth Centuries: Essays in honour of Gerd Buchdahl, ed. R.S. Woolhouse (Dordrecht: Kluwer Academic Publishers, 1988), p. 80-81.
10 – Letter to Mersenne, April 1634 ([14]1, 286).
11 – Cogitationesprivatae ([14]10, 213; [13]1, 2).
12 – Yates. Rosicrucian Enlightenment, p. 155.