II.1 Sur René Guénon et la Maçonnerie – Soufisme et Espionnage

Ancien Vénérable Maître de la Grande Triade, Karl van der Eyken expose certaines contradictions aux dissidents pourfendeurs de maçonnerie épris de guénonisme.

ob_5b7d69_agueli-egypteEn 1910, Guénon rencontra Ivan Aguéli (« Abdul-Hâdi », de son nom initiatique soufi). Aguéli était anarchiste, cosmopolite, grand voyageur et, avant tout, était un « expert dans l’art de brouiller les pistes sur ses véritables origines en bon agent secret ». Polyglotte, il avait visité de nombreux pays du Proche-Orient, l’Égypte, l’Inde, la Chine…, et il utilisa partout des pseudonymes ; son véritable patronyme, juif, fut Moberg.
Il se donnait, par exemple, un nom slave « Ivan Stranyi », or « Stranyi » signifie en russe « étranger », comme aiment se désigner discrètement les cosmopolites Rose-Croix ! Ou encore à la suite de sa rencontre avec Tchang Kaï-chek, il se nomma Hoei-Tso, le « peintre » 1. En 1907, Aguéli rencontra le Sheikh Elish Abder Rahman el Kébir, un des hommes les plus célèbres de l’Islam – d’une branche shadilite initiatique – et qui était aussi le chef de la section juridique (madhhab) de l’université El-Azhar du Caire. Aguéli était aussi, entre autres, relié à l’adversaire algérien des Français, le soufi shadilite 2 et franc-maçon Abd-el-Kader, et l’anarchiste et médecin Enrico Insabato en collaboration avec la revue italo-égyptienne Il Convito-Al-Nâdi, qui prémouvait une entente entre les peuples et une lecture soufie de l’islam, mais dans un jeu d’influences au profit de l’Italie.Accusé d’être un espion sabbataïste ottoman, Aguéli fut expulsé par les Anglais vers l’Espagne où il mourut curieusement écrasé par un train…

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Basil Zaharoff (1849 – 1936)

C’est Aguéli qui initia Guénon au soufisme et qui lui proposa d’aller avec lui à Londres afin de rencontrer un certain M. « R », qui n’était autre que le marchand de canons Basil Zaharoff, le milliardaire juif de Constantinople 3. Cette rencontre ne s’est pas faite comme l’écrivait Guénon à Vasile Lovinescu :

« le personnage qu’on devait me faire rencontrer en 1913 était bien sir Bazil Zaharoff. Je ne sais plus si je vous ai dit que, en la circonstance, il s’agissait de la constitution de l’Albanie en État indépendant, et de l’intervention possible, à cet égard, de certaines organisations islamiques existant dans ce pays. » 4

Quant au rôle supposé que devait jouer Guénon pour le « Maître des Balkans », Louis de Maistre écrit :

« Ce voyage fut l’occasion de nouer des relations avec quelques milieux britanniques, lesquels avaient à leur tour des intérêts précis dans le monde islamique. Cette hypothèse est également confortée par l’intention de Guénon, déjà bien ferme à l’époque, de se rendre en Égypte. […] Dès cette époque lointaine, Guénon devait avoir été mêlé – on ne sait pas à quel titre ni si ce contact avait un lien avec sa mission – à toute une série d’événements où se croisaient l’occultisme, les services secrets de tel ou tel pays, une certaine politique internationale ‘‘officieuse’’ et quelque chose de ce qu’il appela ensuite contre-initiation, celle-ci étant en l’occurrence représentée par ses prolongements balkaniques et proche-orientaux. » 5. En effet, sir Bazil Zaharoff était aussi un espion, même un « espion extraordinaire » 6 ; quant à cette prétendue « contre-initiation » 7, j’y reviendrai. Mais que désignait le code M. « R » de Zaharoff ? Cette lettre « R » renvoie très vraisemblablement au nom du sabbataïste et Rose-Croix pseudo-comte de Saint-Germain 8, qui se proclamait fils du prince Rákóczi de Transylvanie. Et Guénon disait que le nom [comprendre la mission !] du comte de Saint-Germain n’avait pas servi qu’à un seul personnage 9

Heritage13
Paru dans L’Héritage en juillet 2019 

Karl VAN DER EYKEN

1http://alsimsimah.blogspot.com/p/ivan-agueli-cheikh-abd-al-hadi-aqili.html

2 – Le soufisme shadilite est akbarien, du « Sheikh Al-Akbar » (le plus grand Sheikh) Ibn Arabi (1165-1240). Au-delà de toute controverse, Ibn Arabi a été considéré par une grande majorité de savants musulmans comme un hérétique. En effet, Ibn Arabi enseignait déjà : « Mon cœur est devenu capable de toute forme : il est un pâturage pour les gazelles et un couvent pour les moines chrétiens, et un temple pour les idoles, et la Kaaba du pèlerin, et la table de la Thorah et le livre du Coran. Je suis la religion de l’Amour, quelque route que prennent ses chameaux ; ma religion et ma foi sont la vraie religion. ». Cette « vraie religion » annonçait la « Fraternité universelle » des Rose-Croix. D’ailleurs, La Divine Comédie de Dante est déjà influencée par la structure, les symboles et les expressions d’ésotéristes musulmans et en particulier d’Ibn Arabi, comme l’a montré le prêtre jésuite Asin Palacios dans son étude Dante y el Islam, 1927.

3 – Henry Coston : « ceux qui ont écrit l’histoire de ces quatre-vingts dernières années en ignorant le rôle joué par Sir Basil Zaharoff » […] ont réalisé un tour de force comparable à l’exploit des historiens de la Révolution de 1789 ». Extrait des Financiers qui mènent le monde, Publications Henry Coston (Paris, 1989), chap. xxxi, cité par Jean-Marie Moine dans Basil Zaharoff (1849-1936), le « marchand de canons ». Zaharoff dirigeait entre autres le géant de l’armement « Vickers », dont les Rothschild détenaient par ailleurs une grande partie. Cette conjonction entre le sabbataïste Zaharoff et les Rothschild n’est pas fortuite – les semblables s’attirent –, car le « père » de cette dynastie, Mayer Amschel Rothschild (1744-1812), était aussi le financier de Jacob Frank ! https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2006-1-page-139.htm

4 – Le Caire, le 11 novembre 1935.

5L’Énigme René Guénon et les « Supérieurs Inconnus », Archè Milano 2004, p. 617.

6 – Richard Deacon, British Secret Service, Grafton Books 1991, Ch. XVIII “Zaharoff: Agent Extraordinary”.

7 – Lettre à Vasile Lovinescu, Le Caire, 25 novembre 1935 : « Il ne paraît pas douteux que sir Bazil Zaharoff soit un représentant important d’une des branches de la « contre-initiation » ; certains pensent même qu’il en serait un des chefs ; mais cela est peut-être un peu trop dire, car il n’est pas probable que les véritables chefs jouent jamais eux-mêmes un rôle qui les mette tellement en évidence… J’en suis arrivé à me demander si ce n’est pas de lui qu’il s’agissait en réalité dans l’histoire à laquelle j’ai fait allusion dans le “Théosophisme”, et qui, en fait, avait un rapport avec la constitution de l’Albanie en État indépendant. »

8 – Le pseudo-comte de Saint-Germain (±1700-1784) était un Rose-Croix notoire et un grand voyageur ayant parcouru au moins l’Italie, l’Allemagne, la Hollande, l’Afrique et les Indes. Il faisait mystère de son origine… Quand la reine Marie-Antoinette lui posa la question : « Où êtes-vous né ? », il répondit : « À Jérusalem, Madame ».

9« Dernière réponse à M. Gustave Bord », La France antimaçonnique, le 7 mai 1914.

Un commentaire

  1. Zaharoff dirigeait entre autres le géant de l’armement « Vickers », dont les Rothschild détenaient par ailleurs une grande partie. En effet « Vickers se développa à travers l’acquisition d’autres sociétés jusqu’à devenir une énorme entreprise avec des fabriques d’artillerie à Glasgow, des usines à Sheffield et à Erith, ainsi que des chantiers navals sur l’île de Wal¬ney. La maison Rothschild de Londres était profondément impliquée dans l’absorption de chantiers navals et de société d’armement par Vickers, et elle émit 1,9 million de livres sterling en actions pour financer la fusion de la société d’armes Maxim avec la société d’armes et de munitions Nordenf¬elt. Nathaniel Rothschild conserva un actionnariat substantiel dans la nouvelle société Maxim-Nordenfelt et exerçait une influence directe sur les dirigeants. Vickers fut propulsée au statut de fortune mondiale avec es soutiens financiers de Rothschild et de Casse1. L’Élite secrète dominait au cœur même de l’industrie de l’armement. […] Vickers était également un fournisseur important de la marine italienne à travers son association avec trois firmes italiennes qui donna naissance à la Vickers Terni Co. Vickers et Armstrong détenaient également à elles deux une grande partie des actions de la Whitehead & Co., le fabricant de torpilles dont les ateliers se trouvaient à Fiume en Hongrie. Pendant la guerre, le député travailliste Philip Snowden déclara avec colère à la chambre des Communes que :
    ‘‘Les sous-marins et toutes les torpilles employées dans la marine autri¬chienne, en plus de quelques-uns des nouveaux hydravions, sont fabriqués en Hongrie par les usines de torpilles Whitehead […] Elles produisent des torpilles en Hongrie avec des capitaux britanniques dans le but de détruire des navires britanniques.’’
    Tout au long de la guerre, ces torpilles Whitehead étaient également chargées dans les tubes des U-Boote allemands pour être lancées contre les navires britanniques. De nombreux individus assis dans le confort chaleu¬reux de Westminster ou dans leurs clubs exclusifs de Londres, ou encore dans leurs grandes cathédrales gothiques, faisaient des bénéfices sur les tor¬pilles qui envoyaient des milliers de courageux marins britanniques dans leurs tombes glacées du fond de l’Atlantique. ».
    Gerry Docherty & Jim Macgregor, LES ORIGINES SECRÈTES DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE, pp. 181-182, Éditions Nouvelle Terre

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