IV.17.ii Ordo ab Discordia – Guerriers Oisifs

Depuis plus de trente ans, David Livingstone écrit sur les dessous de l’histoire. Il nous a fait l’honneur de nous accorder le droit de traduction de son incroyable Ordo ab Chao.

Kerry Thornley présentait tous les signes d’une nouvelle victime de manipulation mentale. Dans son livre The Prankster and the Conspiracy, Adam Gorightly explique que le sosie d’Oswald n’était peut-être autre que Kerry Thornley, né deux ans plus tôt qu’Oswald. En 1957, Oswald est stationné comme technicien radar à la base aérienne d’Atsugi au Japon, le quartier général de la CIA en Extrême-Orient, où la CIA a mené de nombreux tests au LSD 1. Début 1959, avant d’être lui-même stationné à Atsugi, également comme technicien radar, Thornley sert pendant une courte période dans la même unité d’opérateurs radar qu’Oswald au MCAS El Toro à Santa Ana, en Californie. En 1962, Thornley a écrit The Idle Warriors (Les guerriers oisifs) sur leur période commune, décrivant l’état d’insubordination complètement chaotique qui régnait sur la base, qui ne peut être attribué qu’à l’influence du LSD sur les soldats. Le roman raconte l’histoire d’un soldat qui passe en Union soviétique 2. Après l’assassinat, Thornley a écrit l’essai Oswald, qui corrobore largement la théorie de l’ « assassin solitaire » colportée par la Commission Warren, l’enquête officielle sur l’assassinat de JFK, dirigée par l’ancien directeur de la CIA Allen Dulles.

David Ferrie

En 1961, Gregory Hill et Thornley s’installent à la Nouvelle-Orléans, où ils rejoignent la cabale des conspirateurs de l’assassinat de Kennedy. Fait suspect, la ville est le siège des festivités du Mardi Gras, organisées par le Mistick Krewe of Comus, qui pratique le rituel de la « mise à mort du roi ». Oswald a été recruté par l’agent de la CIA David Ferrie lors d’un camp d’été de deux semaines de la Louisiana Civil Air Patrol en 1957 3. Après avoir déménagé à la Nouvelle-Orléans en 1961, Thornley a également rencontré Ferrie à l’une de ses « fêtes », ainsi que Clay Shaw et Guy Banister. Ces hommes formaient le foyer de la conspiration anti-Kennedy découverte par Jim Garrison – lorsqu’il a rouvert l’enquête sur Kennedy en 1966 – qui impliquait la mafia, des militants anti-Castro, des écrivains, des artistes, des bohémiens, des nazis et une sous-culture homosexuelle. Ferrie aurait pratiqué des rituels de magie noire, qui impliquaient des sacrifices d’animaux, le séchage du sang et des rites homosexuels. Ferrie était également grand prêtre de l’Église apostolique vieille-catholique d’Amérique du Nord, qui, selon le chercheur Jim Keith, était en réalité l’Église catholique gnostique de l’Ordo Templi Orientis (OTO) 4. Garrison soupçonnait l’Église d’être une couverture de la CIA 5.


En 1968, Garrison assigne Thornley à comparaître devant un grand jury, estimant que Thornley et Oswald étaient impliqués ensemble dans des opérations secrètes de la CIA 6. Le révérend Raymond Broshears, membre actif de la communauté homosexuelle de la Nouvelle-Orléans et ancien colocataire de David Ferrie, a placé Thornley en compagnie d’Oswald, de Clay Shaw et de David à la Nouvelle-Orléans à l’automne 1963. Selon Broshears, Oswald était homosexuel et a déclaré que Thornley « soutient qu’il n’est pas homosexuel. Mais je dis qu’il l’est et je dis au monde entier que s’il n’est pas homosexuel, pourquoi fréquentait-il des bars homosexuels, pourquoi s’il ne l’est pas ?  » 7.

Broshears a également noté que la ressemblance de Thornley avec Oswald était « plutôt effrayante » 8. Garrison a soutenu que Thornley s’était fait passer pour Oswald entre les années 1961 et 1963. Thornley vivait à quelques rues d’Oswald, à la Nouvelle-Orléans, et ils ont été vus ensemble à plusieurs reprises selon plusieurs témoins. L’un d’entre eux était Barbara Reid, une prêtresse vaudou membre de la Discordian Society de Thornley, et  » jusqu’aux fesses » dans la Process Church 9. Un certain nombre de personnes qui vivaient dans ce quartier ont vu Thornley à l’appartement des Oswald à plusieurs reprises, et ont en fait rapporté qu’ils l’avaient vu si souvent qu’ils ne savaient pas qui était le mari, d’Oswald ou de Thornley 10.

Garrison a également commencé à spéculer sur le fait que les fameuses photos d’Oswald avec un fusil dans une main et un exemplaire du journal communiste The Daily Worker dans l’autre, avaient probablement été fabriquées par Thornley et d’autres complices. Oswald lui-même a nié l’authenticité de la photo, affirmant que son visage avait été superposé sur le corps de quelqu’un d’autre. Garrison pense également que The Idle Warriors a été écrit par Thornley pour présenter Oswald comme un sympathisant communiste, une tactique connue dans la communauté du renseignement sous le nom de  » sheepdipping » (bergerie) 11.

Garrison soupçonnera plus tard que la Discordian Society elle-même était une façade de la CIA. Ce qui incrimine particulièrement Thornley, c’est sa célébration publique à l’annonce de l’assassinat de JFK, et le fait qu’il se soit présenté comme suit : « Je suis Kerry Thornley. J’ai orchestré l’assassinat, comment allez-vous ? » 12 , Thornley s’est installé à Alexandria, en Virginie, tout près du siège de la CIA. Garrison a finalement accusé Thornley de parjure après que ce dernier a nié avoir été en contact avec Oswald depuis 1959. L’accusation de parjure a finalement été abandonnée par le successeur de Garrison, Harry Connick, père du chanteur et acteur de cinéma à succès Harry Connick, Jr.

David Lynch et Grace Zabriskie

Un premier prototype des Principia Discordia a été copié à l’aide d’une machine à ronéotyper dans le bureau de Garrison, par Greg Hill et son ami Lane Caplinger, qui travaillait comme dactylographe dans le bureau. La sœur de Lane Caplinger était Grace (Caplinger) Zabriskie, qui devint l’une des amantes de Thornley. Thornley a écrit un livre sur elle, intitulé Can Grace Come Out to Play. Selon certaines rumeurs, Grace aurait été le sujet de Like A Rolling Stone de Bob Dylan, et les lignes « You used to be so amused/ At Napoleon in rags » et le langage qu’il utilisait faisaient référence à Thornley 13. Le père de Grace était propriétaire du célèbre bar gay du quartier français, le Café Lafitte en exil. Ayant grandi à la Nouvelle-Orléans, Grace a déclaré que sa famille avait reçu la visite de Tennessee Williams, Gore Vidal et Truman Capote 14. Elle est ensuite devenue une actrice hollywoodienne à succès, apparaissant dans de nombreux films populaires, dont Norma Rae, Fried Green Tomatoes, Twin Peaks (dans le rôle de la mère étrangement psychique de Laura Palmer), Seinfeld, Big Love et Charmed, qui suit trois sœurs, connues sous le nom de « The Charmed Ones », et les bonnes sorcières les plus puissantes de tous les temps.

Alors que Thornley affirmait faiblement ne pas avoir participé au complot d’assassinat, il a développé au milieu des années 1970 le personnage d’un schizophrène paranoïaque ou d’un sujet « contrôlé par l’esprit », affirmant qu’il commençait à se souvenir des détails de son implication. En 1992, lors d’une interview accordée au magazine à sensation A Current Affair, Thornley a avoué qu’avant l’assassinat, « je voulais le tuer. Je voulais vraiment l’assassiner… Je voulais qu’il soit mort et je l’aurais tué moi-même. Je me serais tenu là avec un fusil et j’aurais appuyé sur la gâchette si j’en avais eu l’occasion ».

Sondra London avec le tueur en série incarcéré Gerard J. Schaefer

L’entretien a été organisé avec l’aide de l’amie de Thornley, Sondra London, surnommée la « groupie du tueur en série ». London a développé une liaison avec le tueur en série incarcéré G.J. Schaefer, et les deux ont collaboré à des œuvres de fiction. London a également collaboré avec le tueur en série Danny Rolling, dont elle est également tombée amoureuse. La série de meurtres de Rolling a inspiré au scénariste Kevin Williamson le scénario du célèbre film d’horreur Scream, sorti en 1996. London et Rolling ont écrit ensemble The Making of a Serial Killer: The Real Story of the Gainesville Murders (La fabrication d’un tueur en série : La véritable histoire des meurtres de Gainesville). Publié par Feral House, qui a également publié l’étude de London sur le vampirisme True Vampires en 2004, illustrée par le tueur cannibale français Nicolas Claux, le « Vampire de Paris ».

London a déclaré lors de la cérémonie commémorative de Thornley en 1998 qu’elle était son véritable amour et qu’elle avait été choisie pour perpétuer cet héritage 15. Entre 1992 et 1998, Thornley a participé à une série d’entretiens avec London sur ce qu’il se souviendrait de sa connaissance de l’assassinat de JFK, qui sont maintenant disponibles sur YouTube 16. London et Thornley ont collaboré à l’écriture de Confessions of a Conspiracy to Assassinate JFK (Confessions d’un complot visant à assassiner JFK). Cependant, comme dans les dépositions de Garrison, les aveux de Thornley fournissent rarement des réponses directes et sont le plus souvent maladroits et alambiqués. Il semblerait plutôt que les aveux de Thornley aient été un autre stratagème discordien consistant à mélanger la vérité avec des absurdités pour que cela apparaisse comme une plaisanterie.

Thornley aurait appris que son frère était Lee Harvey Oswald et que leur père était l’amiral Karl Dönitz (1891 – 1980), amiral nazi qui a brièvement succédé à Hitler en 1945.

Thornley a également fini par être convaincu qu’Oswald et lui-même étaient des produits de MK-Ultra, visant à créer un « candidat mandchou », et que l’un de ses manipulateurs était deux mystérieux hommes d’âge moyen nommés « Gary Kirstein » et « Slim Brooks ». Thornley a fini par croire que Kirstein était en réalité un officier supérieur de la CIA et le futur cambrioleur du Watergate, E. Howard Hunt. Selon l’autobiographie de Hunt, il était stationné à la base aérienne d’Atsugi en même temps que Thornley. Thornley a également déterminé que Brooks était Jerry Milton Brooks, un membre du groupe d’activistes de droite des années 1960 The Minutemen, que Garrison a également relié à l’assassinat 17. Brooks, que ses camarades appelaient « le rabbin », était l’officier de renseignement et de sécurité de Robert DePugh. Brooks, qui avait travaillé sur des dossiers pour Banister en 1962, avait identifié son adjoint, Hugh F. Ward, comme appartenant également aux Minutemen ainsi qu’à une organisation appelée Ligue anticommuniste des Caraïbes, dirigée par Banister après son arrivée à la Nouvelle-Orléans en 1955. Brooks attribue à l’ACLC le mérite d’avoir aidé la CIA à renverser le gouvernement de gauche d’Arbenz au Guatemala 18.

Kerry en vint même à soupçonner ses propres parents d’être des espions nazis qui avaient passé un accord avec des nazis occultes pour mener ces expériences eugéniques, dont le but ultime était de créer un candidat mandchou. Thornley croyait en outre qu’il était l’enfant d’une expérience d’élevage nazie qui l’avait utilisé, ainsi qu’Oswald – qu’il soupçonnait d’être son frère – comme cobayes 19. Thornley a allégué que, pendant son service actif, il avait été soumis à des transmissions électroniques de contrôle mental, soutenant qu’un dispositif placé à son insu à la base de son cou captait les « voix » d’une unité d’opérations secrètes « nazie » qui tentait de manipuler sa tête 20. En fait, Thornley considérait l’ensemble de l’establishment psychanalytique comme un produit du nazisme et une excroissance du mouvement eugénique 21. Thornley aurait appris que son père était l’amiral Karl Dönitz 22. Le représentant de Dönitz aux États-Unis, H. Keith Thompson, était également en contact avec Marguerite, la mère d’Oswald 23.

David LIVINGSTONE

Première partie : Archétype du filou | Troisième partie : Discordianisme

1 – Martin A. Lee, Robert Ranftel & Jeff Cohen “Did Lee Harvey Oswald Drop Acid?” Rolling Stone Magazine (March 1983).

2 – “Kerry Thornley Talks to Sondra London – 1 of 7” Interview with Sondra London. Retrieved from https://www.youtube.com/watch?v=ky7O9COM13o

3 – Daniel Hopsicker. “Barry & ‘the Boys’: Goss Made His ‘Bones’ on CIA Hit Team.” Mad Cow Morning New (May 6 2006).

4 – Gorightly. The Prankster and the Conspiracy.

5 – “Kerry Thornley Talks to Sondra London – 1 of 7” Interview with Sondra London. Retrieved from https://www.youtube.com/watch?v=ky7O9COM13o

6 – James Phelan. Scandals, Scamps, and Scoundrels, pp. 150-151

7 – Gorightly. The Prankster and the Conspiracy.

8 – Ibid. p. 136.

9 – Ibid.

10 – Ibid., p. 82.

11 – Ibid.

12 – Ibid.

13 – Ibid.

14 – HBO: Big Love – Interviews – Grace Zabriskie

15 – Gorightly. The Prankster and the Conspiracy.

16 – “Kerry Thornley Talks to Sondra London – 1 of 7.” Retrieved from https://youtu.be/ky7O9COM13o

17 – Gorightly. The Prankster and the Conspiracy.

18 – William Turner. Rearview Mirror (2001)

19 – Gorightly. The Prankster and the Conspiracy.

20 – Alex Constantine. Virtual Government, p. 89.

21 – Gorightly. The Prankster and the Conspiracy.

22 – Interview with SteamShovel Press editor Kenn Thomas in a 1991. Cited in Gorightly. The Prankster and the Conspiracy, p. 195.

23 – Kerry Bolton. “H. Keith Thompson Jr.” Inconvenient History, 6(2), 2014.

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