Poursuivons avec quelques extraits tirés du même article ¹ au sujet de la Chine et des sociétés secrètes. C’est ici où Guénon cite longuement un article d’un auteur dont il cautionne avec un excès persuasif les propos, qualifiant même l’auteur de « plume autorisée ». L’enjeu étant sans doute de détourner les regards de toute relation possible entre des sociétés secrètes occidentales et chinoise. Nous verrons après citation ce qu’il en était réellement, et qu’il ne soit pas impossible que Guénon protégeât des intérêts d’une élite « inconnue ».

« Il est bien évident que les associations révolutionnaires qui soutinrent le F⸫ Sun Yat Sen, de concert avec la Maçonnerie et le Protestantisme anglo-saxons, ne pouvaient avoir de relations d’aucune sorte avec les vraies sociétés initiatiques, dont le caractère, dans tout l’Orient, est essentiellement traditionaliste » ; « Pour ce qui concerne ces sociétés initiatiques extrême-orientales : jamais elles ne se mettront en relations, non seulement avec des groupements politiques, mais avec aucune organisation d’origine occidentale » ;

« Une plume autorisée [Guénon ne donne pas le nom de l’auteur !] a écrit à ce propos : ‘‘Pas plus qu’autrefois, moins encore qu’autrefois, il n’y a de fraternité possible entre des collectivités jaunes et des collectivités blanches’’ […] ‘‘dont je n’aurais certes pas parlé, si sa répétition dans le volume ‘‘L’Invasion Jaune’’, par M. le commandant Driant, n’avait appelé l’attention sur elle par information d’après laquelle une société secrète jaune et un groupe occultiste européen auraient uni fraternellement leurs buts et leurs symboles. ‘‘Nous sommes heureux d’apprendre, dit ‘‘L’Initiation’’ de mars 1897, au Suprême Conseil, la création à San-Francisco de la première Loge martiniste chinoise, sur laquelle nous fondons de grandes espérances, pour l’entente de notre Ordre avec la Société de Hung.’’ Et le commandant Driant ajoute : ‘‘La Société de Hung est la société-mère des Boxers chinois. Ces relations de sectes paraîtront invraisemblables à nombre de lecteurs, qui ne voient pas les progrès des sociétés occultes visant à l’internationalisme. Elles sont rigoureusement vraies.’’

‘‘ Ces affirmations sont rigoureusement une fable. Je ne sais pas si des Chinois, ni quel genre de Chinois se sont introduits dans la loge martiniste de San-Francisco, ni même s’il n’y a jamais eu une Loge martiniste à San-Francisco. Ce que je sais et affirme, c’est que jamais la Société de Hung puisque Société de Hung il y a, et qu’on semble viser une société entre toutes, et le nom spécial et temporaire d’une secte de cette sociéténe s’est affiliée au Martinisme ; c’est que jamais la Société de Hung, ni quelque autre société secrète chinoiseque ce soit, n’a entretenu la moindre relation, même épistolaire, avec le Martinisme, ni avec quelque autre société occulte occidentale que ce soit.’’ ».

Non, ces affirmations ne sont pas une fable ; elles sont, au contraire, rigoureusement vraies ! Nous allons le voir. Déjà, comment qualifier la façon de procéder de Guénon, qui adosse une « plume autorisée » d’un inconnu pour faire passer son propre message ?

Retrouvez cet article dans le prochain numéro de L’Héritage.

Karl VAN DER EYKEN