Comprendre la Gnose – Étienne Couvert

Sinueuse et rampante comme son père, la gnose avance masquée. Etienne Couvert, qui toute sa vie l’a dénichée à travers multiples courants idéologiques et autres « grands classiques », reprend une dernière fois pour nous le mal à la racine.

1. Bonjour Étienne Couvert, une vie à « dévoiler » ses masques. Prédestination ?
Petit-fils d’Étienne Couvert qui a en 1884 peint la fresque de la coupole de l’Eglise Saint-Pothin de Lyon, l’auteur illustre ses couvertures avec les fusains de son grand-père.

Il n’y a pas de prédestination. Dans les années cinquante, je m’étais passionné pour les découvertes de manuscrits anciens. Manuscrits gnostiques de Thébaïde, manuscrits de la Mer Morte, manuscrits bouddhistes d’Asie Centrale. Je les avais étudiés avec soin, j’avais rassemblé une bonne documentation et je m’étais constitué des dossiers importants. Tout cela par curiosité intellectuelle. C’est à la suite de ce travail, que j’ai commencé à m’intéresser à la Gnose

Comment définir la Gnose ? Voici une possibilité. En référence à la musique, on pourrait dire que les gnosticismes diffusés dans le monde sont comme des variations sur un thème : la Gnose universelle et satanique

Nous avons aussi rencontré des lecteurs qui nous ont tenu ce langage : « Depuis que j’ai lu vos livres, je vois la gnose partout ». Précisons bien : partout où elle est. Mais auparavant, vous ne la voyiez nulle part, et elle était bien présente. Vous étiez donc un gnostique sans le savoir, puisque les idées gnostiques vous paraissaient normales. Comment expliquez-vous cela ?

« Vous donnez des exemples nombreux qui aident à comprendre, parce que la gnose en soi, c’est vraiment ardu et difficile ». « Donner des exemples ! ». Voilà le rôle essentiel du maître qui enseigne. Lorsqu’il énonce une règle (de grammaire, par exemple) la formule abstraite, même apprise par coeur, n’illumine pas d’emblée l’intelligence. Il faut l’appliquer à plusieurs cas concrets, variés, imagés qui accrochent l’esprit et aident à comprendre.

Voici la définition du Petit Robert : « Éclectisme philosophique prétendant à concilier toutes les religions et à en expliquer le sens profond par une connaissance ésotérique des choses divines communicable par tradition et par initiation ». Cette définition n’est point fausse. Elle est tout simplement vide de sens et stérile pour celui qui ignore tout de la gnose. Elle ne lui apprend rien. Quel « sens profond » ? Quelle « connaissance » ? Quelles « choses divines » ? Le dictionnaire ne répond pas. On ne peut faire l’économie de l’étude approfondie et de la réflexion prolongée pour comprendre la gnose.

Étienne Couvert – Visages et masques de la gnose

Conclusion – L’enjeu d’un combat

NDLR : ci-dessous Les prétentions gnostiques tirées de la revue de la Grande Loge Nationale Française (GLNF). Majuscules (et manque) d’origine !

1. Le dualisme fondamental entre le Bien et le Mal, entre l’esprit et la matière, entre l’âme et le corps et entre la lumière et la ténèbre.

2. Le Dieu suprême et le Dieu créateur sont deux êtres distincts.

3. Le Dieu suprême est à l’origine du Bien et le Dieu créateur à l’origine du Bien et du Mal.

4. Le monde matériel produit le Mal.

5. L’âme, en tant qu’étincelle divine, a fait une chute et, prisonnière du corps humain, elle doit retrouver le chemin vers son origine céleste.

6. Caïn est souvent considéré comme un héros car il est le modèle même de l’être révolté contre le dieu du Mal et, c’est le paradoxe, le maudit devient un saint.

7. L’importance capitale d’une cosmologie, pafois complexe.

8. Les esprits sont hierarchisés.

9. Le Dieu du Mal, vu comme justicier ou jaloux, est identifié à celui de l’Ancien Testament alors le « bon Dieu » est le Père et le Dieu d’amour. Il y a là une distinction entre ces deux conceptions de Dieu et, par conséquent, entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament.

10. Le Christ, envoyé du « bon Dieu », est avant tout le messager apportant la Connaissance et le gnostique y voit là l’unique raison de le considérer comme étant le Sauveur.

11. Il y a une distinction entre Jésus et le Christ. Jésus est l’homme né de la chair alors que le Christ est pur esprit et ne s’identifie à lui qu’au moment du baptème dans le Jourdain. Il le quittera qu’au moment ultime où Jésus meurt sur la croix. Cette opinion repose sur une interprétation particulière des dernières paroles du Christ en croix : « Père, entre tes mains je confie mon esprit ». Le gnostique voit Jésus dans le crucifié et non le Christ.

12. La connaissance de l’origine de l’homme, de la cause de sa chute et des moyens de recouvrer son état d’originelle pureté peut, seule, garantir son salut : c’est la gnose par excellence.

Caractéristiques essentielles du gnosticisme – Les Cahiers Villard de Honnecourt (n°81, page 122)

2. De nos jours, les gnostiques utilisent systématiquement l’Evangile de saint Thomas pour accréditer leurs arguties. En quoi ce cinquième synoptique fait-il exception ?

L’« Evangile dit de Thomas » n’est pas du tout un évangile. Les évangélistes racontent la vie de Jésus, sa naissance, ses faits et gestes, son enseignement. Ils décrivent une biographie de Jésus. L’auteur du soi-disant Evangile de Thomas a écrit un traité dans lequel il récopie des textes évangéliques pour les mettre au service de la Gnose, qu’il veut montrer. C’est une imposture, qui a été comdamnée et jetée parmi les autres écrits des gnostiques du IIIème siècle après J. C..

La Gnose, émission où Serge de Beketch interroge Étienne Couvert en 1994. Pour la petite histoire, c’est à la suite d’une demande du premier quant à la gnose dans la littérature russe que l’auteur a écrit ce chapitre dans La gnose universelle.
3. Parmi les auteurs écrivant contre la Gnose, vous êtes le seul à avoir émis la thèse du Bouddha postchrétien ancêtre de 1001 autres…

Pourquoi je donne la préférence aux missionnaires sur les historiens dans l’histoire religieuse dans l’Asie ? Parce que les missionnaires sont des hommes du terrain. Ils exercent leurs activités sur des hommes vivants. Ils dialoguent, ils enseignents de vive voix. Ils ont des contacts humains. Que ce soit le Père de Nobili avec le Brahmanes ou les Jésuites portuguais avec les lamas du Thibet, ils ont montré leur grande connaissance du domaine qu’ils avaient à conquérerir. Vous avez lu leurs dialogues, ils sont savoureux : question, réponse, objection. Ces Jésuites du Grand Siècle étant des érudits aussi savants que nos modernes écrivains. Ils avaient en plus la foi chrétienne, celle qui conforte l’intelligence, et qui manque cruellement aux historiens d’aujourd’hui. Vous l’avez bien vue à propos de Hugues Didier.

Les historiens d’aujourd’hui ne travaillent pas sur des êtres vivants. Ils travaillent sur des textes morts. On ne dialogue pas avec un texte, parce qu’il ne répond pas. Les missionnaires étaient des hommes de terrain, les historiens sont des hommes de bureau. Ils ne leur reste plus qu’à inventer des théories plus ou moins extravagantes ou incohérentes, qui ne trouveront aucune résistance.

Voyez ce que j’ai énuméré dans Visages et masques de la Gnose, page 24 et suivantes.

Revenons au bouddhisme, le mot « bouddha » désigne un homme de Lumière. Cette Lumière est la religion enseignée par Jésus Christ et répandue en Asie par ses disciples. Un « bouddha » est donc un ermite ou un ascète chrétien. L’apôtre Saint Thomas en Inde était appelé un « bouddha ». Mani lui-même s’intitule le bouddha Mani, disciple de Jésus Christ. Saint Josaphat du Cachemire était appelé le bouddha Asaf. Il n’a jamais existé de bouddha, fondateur du bouddhisme puisque le bouddhisme n’est pas une religion nouvelle, mais le christianisme défiguré par la Gnose manichéenne. La vie de Bouddha que l’on raconte dans les manuels n’est qu’une légende tardive, fabriquée artificiellement en empruntant des éléments à la vie de Jésus, à la vie de Mani, à celle de Saint Josaphat. C’est donc une belle imposture.

Le néant est à la fois vide et plein… Chose infinie et éternelle, le néant n’a pas de qualité puisqu’il les a toutes… Ce plein ou ce vide, nous le nommons Plèroma 2. En lui cessent toute pensée et toute existence puisque l’éternité et l’infini ne possèdent aucune qualité. En lui n’existe aucun être vivant, puisqu’alors il devrait être distinct du pléroma possédant des qualités qui le différencieraient de lui…

Les Sept sermons aux morts – Carl Gustav Jung

4. Ainsi que les Bogomiles et Cathares. Outre les variantes historiques et géographiques, quels sont les éléments communs – et hérétiques – que défendaient les fidèles de Mani ?

Je n’ai pas abordé dans mes livres le problèmes des Cathares et des Albigois, parce qu’il existe sufisamment de très bons ouvrages sur la question : les livres de Jean Guiraud sur L’Inquisition médiévale, celle de Pierre Belperron sur La croisade contre les Albigeois (1209-1249). Il en existe aussi beaucoup d’autres.

NDLR : voici ce qu’écrivait Étienne Couvert il y a trente ans quant à cette gnose manichéenne arrivée en Occident, via notamment les Bogomiles puis les Cathares. Cette gnose est, comme il l’écrit à la question précédente, à l’origine de la déviation d’un « christianisme défiguré » appelé bouddhisme et qui telles les hérésies cathares, rejette le mariage et la procréation parce que « le monde matériel produit le Mal » et que « l’âme, en tant qu’étincelle divine, a fait une chute et, prisonnière du corps humain » (caractéristiques 4 et 5) et intègre la métempsychose 3 et le Plérôme où cosmothéisme et panthéisme se côtoient 4.

Chacun d’eux est donc sensible à la douleur et au plaisir. Cueillir un fruit, couper un légume, tailler un arbre, égorger un animal sont de véritables meurtres. L’agriculture, l’élevage sont criminels. De même le mariage et la génération sont condamnés, car ils aboutissent à enfermer des parcelles lumineuses, les meilleures portions de la divinité universelle, dans des corps qui les retiennent captives.

Cette idée extravagante, mais logique dans son absurdité, est, avec la réincarnation, commune aux gnostiques, aux manichéens et aux Bouddhistes, leurs successeurs et héritiers. A partir de là, on doit comprendre l’attitude du moine bouddhiste, accroupi à terre, son bol de nourriture à la main.

Les « Elus », les « purs », les « cathares » prennent leur repas en commun, une fois par jour. Avant de manger, ils se retirent à l’écart et adressent aux aliments cette prière : « Ce n’est pas moi qui vous ai moissonné, qui vous ai moulu ; je ne vous ai point pétri, je ne vous ai point fait cuire. Ainsi je suis innocent de tous les maux que vous avez souffert. » Ils se tiennent debout ou assis, leur bol de nourriture, vase sacré, à la main, puis selon un cérémonial bien réglé, ils commencent à manger. Ils prétendent que, pendant la digestion, l’âme divine enfermée dans la matière, se délivre et s’envole de leur estomac pour remonter au ciel et se réunir à sa source. Ainsi croient-ils tirer des ténèbres de la matière le Dieu-Lumière prisonnier. Leur manducation est un acte sacré. Puis ils accordent le pardon au catéchumène charitable qui a bien voulu leur préparer leur pitance. L’aumône alimentaire est en effet une offrande sainte.

Gnose et Bouddhisme : aux sources du Bouddhisme – Bulletin de la Société Augustin Barruel n° 21

5. Dans La vérité sur les manuscrits de la Mer Morte, vous rappelez la question-clef d’Edouard Schuré « Pourquoi le silence gardé par le Christ et les siens sur cette secte ? Pourquoi, lui, qui attaque avec une liberté sans égale tous les partis religieux de son temps, ne nomme-t-il jamais les Esséniens ? Pourquoi les apôtres et les évangélistes n’en parlent-ils pas davantage ? » amenant à conclure « Jésus, un Essénien qui a réussi »

Je ne vois pas grand chose à rajouter. Vous avez bien compris que la thèse essénienne était destinée à tuer la divinité de Jésus Christ. Dont acte…

6. De même, si d’autres auteurs dénoncent le gnosticisme du Néo-Platonisme, vous êtes le seul à situer le mal à la racine chez Platon. Où cela ?

Le problème de Platon. Platon reste toujours à mi-chemin des conclusions que l’on peut tirer de ses écrits. Les néo-platoniciens se sont contentés d’expliciter son enseignement qui était resté inachevé. Je l’ai longuement expliqué dans mon chapitre « Gnose ou Platonisme » de mon second volume.

Et c’est ce caractère implicite et inachevé de Platon qui va introduire les erreurs de Saint Augustin. Il aura beaucoup de mal à comprendre la malfaisance de cet enseignement, même encore à la fin de sa vie dans ses « Rétractations ».

7. Pierre Hillard, auteur prolifique combattant la religion mondialiste depuis 1997 vous demande « quels sont les éléments gnostiques qui ont favorisé la Révolution de 1789 ? »

Je ne connais pas Pierre Hillard et je n’ai pas lu ses livres. Je ne savais pas qu’il avait été interpellé sur la Révolution française. Je n’ai pas abordé ce sujet dans mes livres, parce qu’il a été souvent traité par ailleurs.

Peut être dans La Gnose universelle, page 115, j’aborde les thèses de Fénélon et de Ramsay qui préparent l’idéologie révolutionnaire, sans trop y insister.

8. Et ceux présents dans la soi-disant Restauration

Vous abordez plusieurs sujets qui méritent chacun une réponse adéquate. J’ai bien montré le caractère subversif dans la pensée de Maurice Barrès, dans La Gnose universelle page 122 et les suivantes [NDLR : ajout des pages 119, 120 et 121 pour faire lien avec les précédentes et vu que le retour à Gaïa est souvent pris exclusivement pour une marrote de gauche…].

9. Votre œuvre, comme celle de Jean Vaquié et des Cahiers de la Société Augustin Barruel, doit son rang « complotiste » aux abbés Célier et Tanoüarn …
L’abbé Célier en aurait-il la même grille de lecture que Jean Parvulesco ?

Alors là, je rugis de colère. Célier et Tanoüarn sont deux monstres sataniques déguisés en soutane. J’ai toujours été dans le respect du prêtre, mais dans ce cas là je ne pouvais pas savoir qu’il y a avait de cette espèce là. Chaque fois que j’entends leur nom, il me vient à la gorge comme un écoeurement donnant la nausée. Mieux vaudrait ne plus à avoir à entendre le nom de ces deux infames personnages.

NDLR : en 2003, l’abbé Tanoüarn a publié un texte intitulé Contre le conspirationnisme puis édité en 2004 La Paille et le Sycomore de l’abbé Célier. Tous deux cherchant à discréditer les travaux d’Étienne Couvert sur la gnose. Or, outre le choix du pseudonyme pour cette entreprise, Paul Sernine – un anagramme d’Arsène Lupin, roman rosicrucien s’il en est – leur proximité avec les milieux païens et maçons et ceux de la Nouvelle Droite posent question quant à leurs réelles intentions.

Qui les « Editions Servir » servent-elles pour attaquer Étienne Couvert et réhabiliter la gnose ? Petit indice avec Matzneff.
10. Cette crise sanitaire révélant jour après jour les forces démoniaques à l’œuvre, la fin du Larvatus prodeo cher à l’Adversaire est-elle une aubaine ?

Comme vous le dites si bien : les choses deviennent claires . Satan se dévoile complètement et montre ce qu’il est : homicide (le COVID) et menteur à la fois.

Nous allons assister dans les années à venir à la révolte des peuples contre ces « mondialistes » sataniques. Ce sera un spectacle réjouissant. Déjà ils brandissent des pancartes où ils réclament « La liberté », celle que nos modernes avaient dans la bouche, mais qu’ils ont trahie.

Satan se dévoile, bien sûr. Mais en même temps, il se rend vulnérable et le Seigneur prépare un retour de flamme dans laquelle ils seront « carbonisés bientôt ».

Chapitres et glossaire accessibles dans la description de la vidéo

Propos recueillis par Gregor OVITCH

1« Eritis sicut Dii » dit le Serpent de la Genèse, souvent mal traduit par « Vous serez comme des dieux ».

2 – Aussi appelé Grand Tout, d’où les êtres divins (étincelles) émanent et retournent en boucle, le Plérôme recouvre plusieurs acceptions suivant les gnostiques. Celle d’un collectivisme d’entités pyschiques, telle la Noosphère de Théiard de Chardin (Arpanet, Internet) et celle entendue comme moyen et fin de la plénitude impliquant aucune limite. Le corps en étant une, suicide (arhat dans le bouddhisme) et laisser-mourrir (endura dans le catharisme) sont logiquement promus comme preuves de détachement total revenant, dans les faits, à l’annhilation consentie par les théologies négatives (Advaïta, apophatisme) ou visée par les conceptions nihilistes (Saturnales, Soleil noir). Les narratifs changent, pas le but.

3 – Bien que l’on parle de métensomatose (passage d’un corps à l’autre) dans le cas du bouddhisme, l’idée reste la même : l’âme et le corps d’un individu sont sécables, contrairement au catholicisme où l’être est indivisible (individuum).

4 – L’Agenda 30, la dernière version de l’utopie mondialiste mêle ainsi retour au culte de Gaïa (panthéisme et New Age, voir notamment la Charte de la Terre abordée dans Comprendre l’écologie de Thibault Kerlirzin) fin du mariage et de la procréation (LGBT, GPA et stérilisation) ainsi que de la propriété, tout enracinement devant être proscrit dans un monde régit par une gnose collectiviste. Tout individu doit être interchangeable et recyclable tel un objet, dès lors désincarné et ne rien posséder (« You will have nothing and you will be happy » prédit Davos). Excepté dans le Metaverse où tout est symbole, les individus ne possèderont plus leurs corps réceptacles (et débris) des fantasmes transmigrationistes.

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